CARSEC : Une alternative à l’incarcération des enfants en conflit avec la loi
Le Centre d’Accueil de Réinsertion Sociale des Enfants en Conflit avec la loi (CARSEC) a ouvert récemment un nouveau site à Kiffa. Il va accueillir des pensionnaires de l’Assaba, des deux Hodhs et du Guidimakha. Cette action entre dans le cadre de l’extension de cet établissement en vue de renforcer, d’une part, ses capacités d’accueil, décongestionner ceux de Nouakchott et de Nouadhibou et rapprocher, d’autre part, les pensionnaires de leur famille respective. « Maintenir le contact régulier avec les proches constitue en effet un facteur déterminant dans le processus de réinsertion », affirme le directeur de cet établissement, monsieur Sidi Mohamed Beïdy.
Financé par l’ONUDC, le centre de Kiffa accueille vingt filles et dix garçons. Comme dit tantôt, il vient s’ajouter à ceux de Nouakchott et de Nouadhibou, augmentant les capacités d’accueil de cette institution. Le centre de Nouakchott se trouve dans la zone sise « base marine », au Sud-ouest du quartier Neteg d’El Mina. Une immersion dans l’établissement avec la conseillère technique du DG nous a permis de constater de visu comment il fonctionne en ses différents compartiments (ateliers et dortoirs), les conditions dans lesquelles les enfants sont placés et, surtout, préparés à la réinsertion.« C’est là tout l’enjeu du centre », précise son directeur.
Types de régime
Fondé par le décret n°2012-061du 27 Février 2012, le CARSEC a pour but de trouver le juste équilibre entre les peines de prison infligées aux enfants en conflit avec la loi, suite à des actes incriminés par le Droit qu’ils pourraient avoir commis, d’une part, et, d’autre part, leur réinsertion dans la vie active afin qu’ils abandonnent de telles pratiques. Il est placé sous la tutelle du ministère de la Justice. Son article 2 stipule : « Le Centre assure l’hébergement, la sécurité, la formation professionnelle et les soins des enfants qui y sont admis, conformément à son règlement intérieur et à son cahier de procédures de gestion des enfants en conflit avec la loi, tous deux adoptés par le Conseil d’administration. Il assure la réinsertion sociale des enfants et met en œuvre une action de recherche et de renforcement des liens avec la famille d’origine. »
Et l’article 4 de préciser: « La décision de placement dans le Centre est prise, en fonction des disponibilités d’accueil, par : le procureur de la république compétent, le juge d’instruction compétent, le président du tribunal pour enfants compétent, le président de la cour criminelle pour enfants ou encore le juge chargé de l’application des peines compétent. Il vise, entre autres, à mettre à la disposition des magistrats et tribunaux des mineurs un ensemble de mesures pédagogiques alternatives à l’incarcération des enfants en conflit avec la loi. Ces mesures permettent également à ces enfants et leurs parents de se réinsérer de façon harmonieuse dans la société.
Depuis sa fondation, le Centre a reçu, dans ses différents établissements, 919 enfants en conflit avec la loi. Leur âge oscille entre 13 et 18 ans. Leurs crimes vont du vol au crime de sang. Malheureusement, les actes infantiles répréhensibles sont devenus légion. La déperdition scolaire et la démission des parents, les besoins croissant et les réseaux sociaux en sont pour quelque chose. Ces jeunes sont jugés par un tribunal des mineurs et placés au CARSEC pour leur prise en charge. L’établissement dispose de trois types de régime à cet effet : un régime fermé, un régime semi-fermé et un régime semi-ouvert.
Le premier reçoit des enfants de 16 à 18 ans. Ils sont hébergés dans un dortoir de plusieurs chambres et surveillés par les services de sécurité nationale (Garde nationale). Sa capacité d’accueil est de 70 pensionnaires. Le régime fermé est défini comme un internat où chaque enfant est observé pendant une période nécessaire aux éducateurs à l’appréhension de sa personnalité à travers ses actes, ses comportements et ses paroles. À l’instar des enfants du centre semi-ouvert, ils sont soumis à un même régime de sécurité et de surveillance.
Le séjour en ce centre ne peut dépasser cinq ans. Au-delà, l’enfant est envoyé à la prison centrale mais, entre ici et là-bas, l’internement ne peut pas excéder dix ans. Les enfants en régime fermé ont accès à des activités récréatives. Un terrain en gazon synthétique est mis à leur disposition, ils y pratiquent notamment le foot, le basket et le handball… Ce terrain a été inauguré il y a à peine un mois. Les enfants et les adolescents disposent également d’un centre d’apprentissage de métiers et d’une infirmerie. Des menus variés et diversifiés leur sont servis au quotidien. À l’occasion des fêtes, tous les pensionnaires sont habillés et le centre abat un chameau ou un bœuf pour marquer la journée. Le régime semi-fermé et semi-ouvert sont moins contraignants pour les pensionnaires mais « la vigilance reste de mise », signale un des surveillants de l’établissement. Le régime semi-fermé compte trente garçons et deux filles.
Formation et réinsertion
Les pensionnaires des différents régimes du CARSEC ont droit à une formation : scolaire pour les petits et qualifiante pour les adolescents. Des partenariats sont noués avec les différents centres de formation professionnelle du ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle, avec l’appui du BIT,ONUDC , l’UNICEF, Terre des hommes-Italie, sur financement de l’UE et de la Fondation Nour mais également la collaboration d’entreprises locales qui reçoivent les stagiaires du centre. Outre la formation scolaire et professionnelle des enfants, un partenariat avec le ministère de la Justice permet de renforcer les capacités du personnel du centre de Nouakchott et de Nouadhibou, tout en équipant les différents ateliers. Plusieurs formateurs (16) et encadreurs y travaillent pour accompagner les pensionnaires sur le chemin du retour à la maison et dans la société. Les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie accordent ce droit aux enfants.
Les formations sont diverses et variées, tenant compte du besoin du marché en main d’œuvre. Elles vont de l’apprentissage des langues (anglais et espagnol) à l’informatique (6 unités), en passant par la menuiserie métallique et bois, aluminium, soudure, génie civil, électricité, couture (12 machines à coudre). Différents ateliers sont ouverts et équipés à cet effet. Une extension est en cours pour renforcer les capacités de l’offre de formation. On découvre dans l’atelier de couture des habits que les mains habiles des enfants ont confectionnés. Ces productions sont vendues au cours des expositions et fêtes des enfants. « Environ 70% ont été réinsérés convenablement dans la société », affirme le directeur du centre, « toutes les dispositions sont prises pour réussir ce pari. »